Depuis que l’habitude s’est prise sur internet de donner la parole aux consommateurs, spécialement sur les plateformes dédiées à cet effet, on a pu assister à une lente dégradation de la situation.
Créées et favorisées dans le but louable de stimuler les commerçants dans leur recherche de qualité, sous l’aiguillon des avis de la clientèle, les avis de consommateurs prennent encore trop souvent des biais regrettables : avis injurieux (« escrocs », « arnaque », pour ne citer que les épithètes qui restent décentes), avis mensongers ou déformant les faits, faux avis pour démolir un commerçant…
Autrement dit, trop souvent, les avis de consommateurs – ou prétendus tels – deviennent le champ de bataille pour régler des comptes : un ancien salarié licencié pour faute ne digère pas d’avoir été viré et se fait passer pour un ou des clients (sous plusieurs pseudos) dans le but de nuire à l’image de son ancien patron ; faux avis de consommateurs postés par des concurrents pour nuire à l’entreprise ; ex conjoint ou conjointe qui veut faire payer sa rupture…
La nature humaine étant ce qu’elle est, il y a donc un certain écart entre le vœu pieux de faire progresser la qualité des produits et services à la lumière des commentaires et critiques constructives de la clientèle, naturellement autodisciplinée puisque adulte, et la foire d’empoigne qu’on peut trop souvent constater. Et nous en sommes les témoins réguliers lorsque des commerçants nous demandent de nettoyer des avis abusifs et infondés.
De sorte que l’illusoire autodiscipline entre adultes des premiers temps du web ne s’illustre pas tous les jours de manière flagrante sur le net… Il ne nous appartient pas ici d’analyser la psychologie de nos contemporains, mais force est de constater ces phénomènes où par exemple, plutôt que de chercher à résoudre une difficulté à l’amiable avec un commerçant, on commence par se lâcher sur internet pour manifester son ressentiment contre lui à la terre entière, sauf bien sûr à l’intéressé qui en est souvent le dernier informé.
Un cadre juridique défaillant
Le problème est aussi juridique : tant qu’on ne contraindra pas les plateformes d’avis à vérifier l’origine de ceux-ci et au besoin à demander des preuves des faits allégués et qu’au nom d’une prétendue liberté d’expression, on laissera sur certaines plateformes se publier tout et n’importe quoi, on courra le risque de voir dégradée sans raison sérieuse l’image de certains commerçants.
Une norme internationale peu adoptée
Il existe pourtant une norme internationale sur les avis de consommateurs. Forgée à l’origine par l’Afnor, l’organisme français de normalisation, la norme NF ISO 20488 prévoit certaines pratiques dont celles que nous évoquons ci-dessus : conserver en privé l’identité de l’auteur d’un avis, même s’il est sous pseudo ; vérifier sa qualité de client ; se donner la possibilité de revenir vers lui pour lui demander des preuves de ses affirmations, à défaut de quoi l’avis est retiré.
Mais la plupart des plateformes, y compris celles de grandes institutions de défense des consommateurs (Institut national de la consommation – INC – et son site 60millions-mag, ou l’UFC Que Choisir) mettent un zèle particulier à ne pas appliquer cette norme qui bien sûr n’est pas d’application obligatoire, comme le serait une loi.
Quelques obligations légales encore insuffisantes
Quelques timides avancées législatives, notamment au niveau européen, ne résolvent absolument pas ce phénomène. À ce jour, un gestionnaire d’avis de consommateur a l’obligation de signaler si les avis qu’il édite sont vérifiés ou non. C’est un peu court, d’autant que l’internaute de base ne voit peut-être pas cet avertissement qui n’est pas forcément mis en évidence sur les sites. Certaines plateformes cependant retirent les avis lorsque, à la demande du commerçant qui a découvert qu’on parlait de lui sur celle-ci, ils ont demandé des précisions à l’auteur de l’avis et qu’aucune réponse n’est renvoyée.
Pouvoir au moins se défendre
Rares sont les plateformes qui avertissent les entreprises qu’elles sont visées sur leur site, ce qui rend difficile le plus élémentaire exercice des droits de la défense.
Pire à nos yeux : certains sites proposent aux entreprises de prendre la main sur les fiches les concernant, moyennant un abonnement payant annuel. De sorte que, pour pouvoir simplement répondre aux avis des consommateurs (parfois clients, mais hélas pas forcément si rien n’est vérifié), il faut payer, en plus du travail supplémentaire que cela occasionne d’avoir à gérer les réponses aux avis (on sait que les entreprises d’une certaine taille consacrent du temps de travail et donc un certain budget pour ces fonctions, ce que ne peuvent faire les entreprises et activités professionnelles plus modestes).
Le problème est donc que, pour quelques sites qui vérifient réellement les avis et qui sont sérieux, il y a pléthore de sites qui laissent faire et/ou piègent les entreprises en leur proposant des abonnements payants pour avoir le droit de répondre. Ce sont malheureusement ces sites qui sont les mieux référencés et sautent aux yeux d’un public absolument pas averti dans la distinction entre un site qui vérifie les avis et un qui laisse faire. De sorte que le problème reste entier. On avait cru à l’autodiscipline des adultes ; c’est devenu la pagaille, en une grosse dizaine d’années… (voir notre actualité du 26 février 2010 « Sur le Web 2.0, c’est carnaval tous les jours »).
L’incidence du délit de pratique commerciale trompeuse
Une disposition du Code de la consommation est un peu passée inaperçue alors qu’elle peut s’avérer une arme solide. Nous l’avons plusieurs fois évoquée dans le passé. L’article L.121-4 de ce code considère comme une « pratique commerciale trompeuse » le fait « de se présenter faussement comme un consommateur ».
Il s’ensuit que tous les faux avis de consommateurs – positifs ou négatifs – sont hors-la-loi et pénalement sanctionnés par le délit de pratique commerciale trompeuse : maximum 2 ans de prison et 300 000 € d’amende.
Bien utilisée, cette disposition pourrait aider à nettoyer les avis abusifs les plus éhontés, tant positifs – pour redorer artificiellement l’image d’un commerçant – que négatifs – sciemment publiés dans le but de discréditer un commerçant.
Appel aux pouvoirs publics
Les pouvoir publics sont prompts à s’émouvoir et à promettre « une loi » (une de plus !) dès qu’un élu ou un homme politique se fait piéger sur les réseaux sociaux ; ils sont beaucoup moins diligents lorsqu’il s’agit de défendre les entreprises et d’encadrer sérieusement les pratiques de faux avis de consommateurs qui sont devenues une des plaies du commerce BtoC.
Nous ne pouvons que militer pour une législation qui, par exemple, instituerait des obligations des gestionnaires d’avis de consommateurs proches des dispositions imaginées par les concepteurs de la norme ISO 20488, qui a été conçue – rappelons-le – collectivement par des gestionnaires d’avis et des commerçants.
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