Dans un jugement du 19 novembre dernier, le TGI de Paris a eu l’occasion de préciser la notion d’injure non publique. L’infraction étant proche de la diffamation non publique, ce sont les deux concepts qui sont ainsi éclairés par la décision des juges.
Diffamation ou injure, publique et non publique
Avant tout, rappelons qu’il existe deux types de diffamation et d’injure :
- Le délit de diffamation ou d’injure publique, incriminé par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et sanctionné par l’article 32 de la même loi, délit le plus souvent mis en œuvre en justice.
- La contravention de diffamation ou d’injure non publique, trop souvent oubliée, incriminée par les articles R.621-1 et R.621-2 du Code pénal, pour le droit commun.
Certes, l’infraction n’est pas lourdement condamnée puisqu’elle est assortie d’une contravention de 1er classe, soit 38 € d’amende, à multiplier par le nombre d’infractions formelles constatées (nombre d’injures, par exemple).
Les cas d’injure raciste
Dans le cas tranché par le TGI de Paris, il était question d’injure à caractère raciste, de sorte que la qualification des faits relevait de l’article R.625-8-1 al.1er du même Code pénal et sanctionné par le même article, ainsi que par le suivant, l’article R.625-8-1, soit une contravention de 5ème classe, c’est-à-dire, cette fois, 1500 € par infraction constatée.
Un salarié avait adressé un courriel à sa compagne, traitant de « bougnoul » un tiers, non nommé expressément mais aisément identifiable par le contexte du message. L’intéressé a alors poursuivi l’auteur du message pour injure non publique. Qualification que les juges n’ont pas retenue.
Le raisonnement du TGI
Le raisonnement des juges, en 3 étapes, est une fois de plus instructif sur la notion d’injure non publique.
Tout d’abord selon le tribunal :
« ces propos, pour être constitutifs de la contravention d’injure non publique, doivent avoir été faits avec un minimum de publicité comme ayant été prononcés devant un ou plusieurs tiers ou ayant été distribué par courrier, voir messagerie électronique à un autre destinataire au moins en dehors de la personne visée par cette injure »
Il continue :
« en l’espèce force est de constater qu’aucun tiers n’a eu connaissance de ces propos en dehors du destinataire lui même d’une part
et que ces propos contenus dans un message électronique sont couvert par le secret des correspondances d’autre part »
Pour finir :
« les propos ne visent pas le destinataire du message mais un tiers
(…) les propos injurieux visant un tiers ne constituent à l’égard de celui-ci la contravention d’injure non publique que si l’écrit qui les contient a été adressé dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel
ce qui n’est pas le cas en l’espèce ».
La conclusion s’impose donc pour les magistrats :
« les écrits contenant les propos soumis au Tribunal ont été adressés dans des conditions leur conférant un caractère privé et confidentiel
en conséquence, la contravention d’injure non publique n’est, en l’espèce, pas constituée ».
Lire le jugement complet, très court, sur le site Legalis.net.
Signalons enfin que non seulement l’auteur des propos privés a été relaxé au pénal, mais qu’en outre le plaignant, s’étant constitué partie civile et ayant demandé des dommages-intérêts, a été débouté de cette demande, ce qui est logique puisque l’infraction n’était pas constituée.
En synthèse
Il y aurait donc une nuance très importante à introduire entre injure (ou diffamation) non publique et propos tenus à titre purement privé, tels que dans une correspondance privée, dans la mesure où aucun autre destinataire n’est par exemple en copie.
Photo : Envato