Un internaute intervenant sous pseudonyme sur un forum hébergé chez Overblog a vu son identité révélée par d’autres intervenants, livrant en plus des éléments de sa vie privée ainsi que son adresse et l’injuriant. Il a donc demandé le retrait de son nom du forum, auprès du responsable du blog d’abord, ensuite à l’hébergeur de celui-ci, Overblog. Saisi par cette affaire, la cour d’appel de Montpellier vient – via un arrêt du 22 mars denier – de rappeler les contours de la responsabilité relative de l’hébergeur de site internet. Une décision salutaire pour l’e-réputation des personnes.
Nous passerons sur les linéaments de l’affaire qui est passée par tous les stades des subtilités de la procédure et quelques errements du tribunal de grande instance (de Béziers en l’occurrence). C’est ainsi que pour des faits survenus en 2010, le plaignant obtient défintivement gain de cause en 2017… Fort heureusement les actes de procédures avaient bloqué les délais de prescription qui en matière d’injures publiques sont de trois mois.
Précisons enfin que dès le prononcé d’un premier arrêt de cour d’appel, le 15 décembre 2011, l’hébergeur Overblog avait retiré le nom de l’intéressé et les contenus litigieux. Le contentieux a donc continué pour permettre à la victime d’obtenir des dommages-intérêts de la part d’Overblog qui avait tout de même laissé les informations en ligne pendant quelque 18 mois.
La cour d’appel de Montpellier, dans son dernier arrêt du 22 mars 2017 tranche donc en faveur de la victime.
Voici les principaux attendus de cette décision, rédigés au demeurant dans un style très clair :
« La révélation à son insu de l’identité véritable de Monsieur X. sur un forum de discussion où sont utilisés des pseudonymes, associée dans les articles litigieux à des éléments vrais ou supposés de sa vie privée et à des allégations à caractère diffamatoire ou injurieux, est de nature à constituer, dès lors que les pages internet en question sont, grâce aux moteurs de recherches, aisément consultables par tous, une atteinte à l’intimité de sa vie privée.
L’atteinte à la vie privée dont Monsieur X. a été victime de la part de la société Overblog est donc manifeste, dès lors que celle-ci disposait d’un « modérateur » pouvant supprimer de manière discrétionnaire les passages litigieux et que les éléments conservés par elle relevaient exactement du champ d’application de l’article 9 du code civil.
En maintenant pendant près de 18 mois sur son site l’indication de son nom patronymique et de son adresse, aisément accessibles à l’ensemble des internautes et permettant ainsi à ceux-ci de proférer à l’encontre de l’appelant, qui lui-même ne pouvait supprimer ces informations, des propos injurieux, malveillants et diffamatoires, la société Overblog a commis une faute et directement causé un préjudice moral à Monsieur X. qu’il convient de réparer par l’allocation d’une somme de 7 500 €.
(…)
L’équité commande outre de condamner la société Overblog au paiement d’une somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens. »
Aux termes de l’article 6-I, 2° de la loi du 21 juin 2004, dite pour la confiance dans l’économie numérique ou LCEN, sur la responsabilité relative de l’hébergeur, celui-ci ne devient responsable des contenus hébergés qu’à partir du moment où il a eu « connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère » et n’a pas « agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible« .
Pour appliquer cette disposition, la jurisprudence courante exige le caractère « manifestement » illicite des contenus : en d’autres termes, l’hébergeur ne peut se substituer à un juge pour évaluer, par exemple le caractère diffamatoire de faits allégués. Il faut donc que les contenus soient objectivement illicites.
Il n’est pas rare que les responsables de plateformes de blogs et autres hébergeurs de sites plus classiques se retranchent derrière le caractère « manifestement » illicite pour refuser de bouger dans tous les cas de figure, attendant prudemment que la justice intervienne, ce qui est un détournement des volontés de la loi quant à leur responsabilité alternative, loi qui n’est que la transposition de la directive européenne « commerce électronique ». Il est permis d’espérer que cette décision les fasse un peu réfléchir.
Voir l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 22 mars 2017 sur Legalis.net : https://www.legalis.net/jurisprudences/cour-dappel-de-montpellier-3eme-ch-b-arret-du-22-mars-2017/
Un hébergeur condamné pour n'avoir pas supprimé des données personnelles sur un forum
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