15 mars 2017 | Droit de l'e-réputation

Droit au déréférencement sur Google : la CJUE saisie par le Conseil d'État

À l’occasion de 4 contentieux relatifs au droit au déréférencement sur le moteur Google, la Cnil a donné raison au refus de Google de pratiquer ce déréférencement.
Il s’agit de 4 litiges distincts, dont le point commun est que les informations à déréférencer sur Google, relèvent des données dites « sensibles », c’est-à-dire des données qui portent le plus atteinte à l’intimité de la vie des personnes et définies à l’article 8-I de la loi Informatique, fichiers et libertés : origine raciale ou ethnique, opinions politiques, philosophiques ou religieuses, appartenance syndicale, santé et vie sexuelle.
Google France ayant refusé de déréférencer de telles données, les 4 demandeurs ont saisi la Cnil qui à son tour a refusé de faire droit à ces demandes, en vertu de l’équilibre à trouver entre droit à la protection des personnes et droit à l’information du public, principe énoncé dès l’arrêt fondateur du droit au déréférencement de la CJUE du 13 mai 2014 (notre actualité du 16 mai 2014) et un peu plus défini dans les « lignes directrices » définies par le G29 (groupe des Cnil européennes) devant conduire à une harmonisation des pratiques dans les 28 pays de l’Union.
Les requérants ont donc saisi l’autorité habilitée à juger des décisions de la Cnil, à savoir le Conseil d’État en tant que juge suprême des actes administratifs et de leur éventuel « excès de pouvoir », puisque c’est le nom que porte ce type de contentieux.
Groupant les 4 requêtes, le Conseil se trouve plongé dans une perplexité assez profonde qu’il objective dans une série de questions juridiques dont il n’est pas assuré d’avoir les réponses précises au regard des règles édictées par le directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, transposée dans notre loi du 6 janvier 1978 modifiée, même à la lumière de l’arrêt de la CJUE du 13 mai 2014.
Suivant une pratique désormais courante de la part des cours suprêmes des États membres de l’Union, le Conseil d’État transmet donc cette série de 8 questions éminemment juridiques à la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre d’une question préjudicielle. Cette procédure permet aussi au juge européen de fournir des éléments de réponse qui auront à l’avenir vocation à s’appliquer dans tous les États membres et pas seulement en France et au Conseil d’État.
Sans entrer dans les méandres complexes des 8 questions posées à la CJUE, on peut résumer la problématique autour du point de savoir si, dans le cas de données « sensibles » pour lesquelles les droits des personnes sont renforcés quant à la liberté de traiter de telles données, il y a lieu de considérer que leur traitement dans un moteur de recherche comme interdit ou pas.
Formellement, le Conseil d’État sursit donc à statuer dans les 4 recours dont il est saisi « jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur les questions » posées.
Il faut donc s’attendre à avoir, d’ici quelques longs mois, une nouvelle décision de la CJUE venant préciser les contours du droit au déréférencement, dans la suite de l’arrêt fondateur du 13 mai 2014.
Voir cette décision du Conseil d’État du 24 février 2017  sur Légifrance.
Voir les Lignes directrices du G29 présentées par la Cnil (pdf).

Didier Frochot

Didier Frochot est titulaire d’une maîtrise de droit privé et d’un DESS de gestion. Présent dans le secteur de l’information-documentation depuis 1982, il est Consultant et Formateur depuis 1984, il collabore à la rubrique Droit du mensuel professionnel Archimag depuis 2003. Il fut par le passé Responsable pédagogique du cycle supérieur de l’INTD/CNAM pendant 10 ans (1989-1998).

Spécialités
E-réputation – Propriété intellectuelle, Droit des technologies de l’information, de la documentation et des médiathèques, Données personnelles et RGPD – Technologies de l’information (Internet/Intranet : recherche d’informations conception de sites) – Documentation – Traitement de l’information – Information, documentation et veille juridiques.

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