Au cours des précédents chapitres sur le droit à l’oubli et dans l’excursus proche du sujet (Quel droit applicable sur Internet ?), nous avons évoqué les fondements à la fois historiques et juridiques du droit à l’oubli. Nous nous penchons à présent plus en détail sur l’arrêt fondamental de la Cour de justice de l’Union européenne du 13 mai dernier.
La Cour suit ainsi un raisonnement juridique dans toute sa logique implacable. Elle le conduit selon 4 étapes principales qui constituent les 4 paragraphes du dispositif de sa décision (le dispositif, dans le jargon juridique, est la partie d’un jugement ou d’un arrêt qui constitue la décision en elle-même et qui vient en général après des attendus ou des considérants).
Un moteur de recherche pratique des traitements de données à caractère personnel
Le premier constat ainsi fait par la CJUE concerne la notion de traitement. Maniant le classique syllogisme juridique la cour examine la pratique des moteurs de recherche et relève que l’article 2, b) de la directive (article 2, al.3 de notre loi Informatique, fichiers et liberté) s’applique puisque :
« l’activité d’un moteur de recherche consistant
à trouver des informations publiées ou placées sur Internet par des tiers,
à les indexer de manière automatique,
à les stocker temporairement
et, enfin, à les mettre à la disposition des internautes selon un ordre de préférence donné
doit être qualifiée de «traitement de données à caractère personnel», au sens de cet article 2, sous b),
lorsque ces informations contiennent des données à caractère personnel »
L’exploitant d’un moteur de recherche est le responsable du traitement des données
Il suffit ensuite à la Cour de rattacher les moteurs de recherche à la notion de responsable du traitement des données à caractère personnel, au sens de l’article 2, d) de la directive (article 3-I de notre loi).
Dès lors qu’il y a traitement de données personnelles au sens de la directive :
« l’exploitant de ce moteur de recherche doit être considéré comme le «responsable» dudit traitement, au sens dudit article 2, sous d) ».
À partir de ce premier constat, le dispositif peut envisager l’application de la loi européenne à un moteur de recherche qui a toujours clamé son rattachement au droit des États-Unis.
Mais pour y parvenir, il faut encore quelques étapes de raisonnement juridique, que nous évoquerons plus tard.