Aux antipodes du mythe du « vide juridique » sur Internet, le droit a très tôt pris en compte les difficultés d’application des lois des États du monde face à des phénomènes transnationaux avec le droit international privé (évoqué dans un billet du 8 octobre).
Ainsi ont été élaborées des règles dites de conflit de lois dans l’espace, afin de déterminer, par exemple, la loi applicable au mariage d’un Turc avec une Japonaise à bord d’un paquebot italien, dont le capitaine, célébrant le mariage, est Grec, en rade de Montevideo… De sorte que le droit n’a pas été démuni face au phénomène transnational que constitue le réseau Internet. Le plus souvent, la loi applicable est celle pays de réception, ou celle de la personne concernée, ou encore, en droit pénal, celle du pays de la victime de l’infraction.
On a donc des règles précises et connues des bons juristes, et il nous semblait invraisemblable que les responsables du moteur Google se retranchent systématiquement derrière la loi américaine pour refuser d’entendre raison lorsque était invoquée, dans nos missions de nettoyage, par exemple, la loi française sur la diffamation.
Une décision conforme au droit international privé
L’arrêt de la CJUE du 13 mai dernier, loin de nous étonner, nous a donc conforté dans notre analyse.
Sur ce point de droit particulier, la Cour ne sort donc pas de son chapeau une analyse téléologique pour le moins douteuse pour retenir l’application de la directive sur la protection des données personnelles, et par voie de conséquence des lois de transposition dans les États membres de l’Union.
Dans son arrêt, la Cour retient en effet deux éléments de rattachement permettant de considérer que la loi européenne doit s’appliquer (point 2 du dispositif de la décision) :
- « L’exploitant d’un moteur de recherche crée dans un État membre une succursale ou une filiale destinée à assurer la promotion et la vente des espaces publicitaires proposés par ce moteur » ;
- « L’activité [de ce moteur] vise les habitants de cet État membre ».
Le premier élément de rattachement est celui d’une activité économique constatée dans ce pays.
Le second est tout aussi important sinon plus : le public visé est celui d’un des pays de l’Union.
Dans un prochain article, nous examinerons la portée de cette décision dans ses autres points d’argumentaire juridique, portée dont on n’a pas fini de prendre la mesure.