8 octobre 2014 | Droit de l'e-réputation

Qu’est-ce que le Droit à l’oubli ? – 2 : Le danger des recoupements informatiques

Après avoir évoqué les origines du droit à l’oubli et, pour ainsi dire, le droit à l’oubli avant le droit à l’oubli, examinons ce qu’on a réellement nommé « droit à l’oubli » depuis les années 1970.

Notion de droit à l’oubli

Le droit à l’oubli apparaît dès les premières législations de protection des données à caractère personnel, dans les années 70-80 pour la plupart des pays du monde qui s’en préoccupent. Il s’agit de l’obligation de ne pas conserver des données personnelles au-delà du délai nécessaire à la finalité du traitement de ces données. En France, c’est la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés qui pose les bases de la protection des données à caractère personnel. Aujourd’hui, l’article 6, 5°) de cette loi modifiée en 2004 définit cette obligation d’oubli. Par exemple, un lecteur de bibliothèque qui n’emprunte plus d’ouvrages pendant un an doit être supprimé de la base des emprunteurs de l’établissement.

Protéger de la puissance de recoupement de l’informatique

Les lois sur les données à caractère personnel sont destinées protéger les citoyens contre la puissance de recoupement de l’informatique. Ainsi est-il interdit pour un État de recouper n’importe quelles informations sur ses citoyens, notamment pour s’immiscer dans sa vie privée, et au sein de celle-ci, de collecter des données dites sensibles telle que les origines ethniques ou raciales, les opinions philosophiques, politiques, religieuses, etc. Même les recoupements entre les revenus déclarés et les aides sociales reçues, pour traquer les fraudes sont sérieusement encadrés.

Internet : zone de non-droit ?

Si les autorités étatiques voient leurs pouvoirs de recoupement sérieusement encadrés et limités et les citoyens relativement protégés, il n’est rien sur Internet. Et ce sans aucune raison.
En effet, est-il un outil plus puissant et plus indiscret qu’un moteur de recherche qui permet à toute personne de faire tous les recoupements d’informations possibles sur le seul nom d’un individu ?
Cette ignorance des lois des pays où les moteurs de recherche sont consultables a quelque chose de particulièrement choquant au regard de la protection de la vie privée.
Plus choquant encore est le fait que, face au « mythe de l’Internet » couplé à cet autre mythe du « vide juridique » sur le Net, nul ne prend conscience de cette énormité : les moteurs de recherche multinationaux bafouent depuis l’origine les lois des pays où les libertés et la vie privée des citoyens sont censées être protégées, dont précisément la protection de leurs données personnelles.
Il aura donc fallu longtemps pour que les mentalités évoluent et qu’une Cour de justice ose dire que le droit européen s’applique sur les moteurs de recherche destinés à un public d’européens. Et fasse enfin reconnaître nos bonnes vieilles règles de droit international privé.
Nous reviendrons sur ces règles dans un prochain billet.

Didier Frochot

Didier Frochot est titulaire d’une maîtrise de droit privé et d’un DESS de gestion. Présent dans le secteur de l’information-documentation depuis 1982, il est Consultant et Formateur depuis 1984, il collabore à la rubrique Droit du mensuel professionnel Archimag depuis 2003. Il fut par le passé Responsable pédagogique du cycle supérieur de l’INTD/CNAM pendant 10 ans (1989-1998).

Spécialités
E-réputation – Propriété intellectuelle, Droit des technologies de l’information, de la documentation et des médiathèques, Données personnelles et RGPD – Technologies de l’information (Internet/Intranet : recherche d’informations conception de sites) – Documentation – Traitement de l’information – Information, documentation et veille juridiques.

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